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Michel-Ange, et le retint à Bologne, où, après l’avoir comblé de présents, il lui commanda d’exécuter en bronze sa statue, haute de cinq brasses.

Le Francia, orfèvre et peintre très habile, qui ne connaissait encore aucun des ouvrages du Buonarroti, obtint, par l’entremise de quelques amis, la faveur de voir cette figure pendant que Michel-Ange y travaillait. Michel-Ange lui ayant demandé ce qu’il en pensait, il répondit que c’était un très beau jet, et qu’il avait employé une belle matière. Cette réponse paraissait faire l’éloge du bronze, plutôt que celui de l’artiste, qui lui répliqua : « J’ai, au pape Jules qui me l’a donnée, la même obligation que vous avez aux marchands qui vous vendent vos couleurs. » Et il ajouta, en se tournant vers les gentilshommes qui se trouvaient présents, que le Francia était un sot  (49). À ce propos, un beau jeune homme, fils du Francia, s’avança ; mais Michel-Ange l’arrêta en lui disant : « Ton père s’entend mieux à faire de belles figures vivantes qu’à les peindre. »

Avant de partir pour Rome, Sa Sainteté alla voir le modèle en terre de sa statue, que Michel-Ange venait de terminer. Notre artiste avait représenté le pontife, la main droite élevée, dans une attitude si fière et si menaçante, que Jules lui demanda si elle donnait des bénédictions ou des malédictions. « Saint-Père, répondit Michel-Ange, elle avertit le peuple de Bologne d’être sage. » Comme la main gauche attendait encore l’emploi qu’on pourrait lui donner, il proposa au pape de lui faire tenir un livre. « Placez-y plutôt une épée, dit le pape, je ne suis