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inutile. Les courriers, par leurs supplications, purent seulement obtenir de lui qu’il écrirait au pape qu’il le priait de lui pardonner s’il ne paraissait plus en sa présence, mais qu’ayant été traité comme un misérable pour prix de ses services et de son attachement, Sa Sainteté pouvait faire choix d’un autre sculpteur. Michel-Ange séjourna trois mois à Florence et employa ce temps à terminer le carton de la grande salle du Conseil. Pier Soderini désirait vivement le retenir, pour voir l’achèvement de cette belle entreprise ; mais la Seigneurie reçut de Jules trois brefs remplis de menaces, pour obtenir qu’on lui remît le fugitif (47). Michel-Ange, effrayé de la fureur du pape, était disposé, dit-on, à partir pour Constantinople, où le Grand-Seigneur l’avait fait inviter, par quelques moines de saint François, à venir construire un pont, qui aurait mis cette ville en communication avec le faubourg de Pera. Pier Soderini réussit cependant à lui persuader, malgré toute sa répugnance, d’aller trouver le pape ; et pour le rassurer, l’envoya en qualité d’ambassadeur de Florence, et chargea son frère, le cardinal Soderini, de le présenter lui-même au pape, qui déjà s’était rendu à Bologne (48). On attribue encore ce départ de Michel-Ange à un autre motif. Comme il ne permettait à personne de voir ses travaux avant qu’ils fussent achevés, le pape curieux et impatient, après avoir gagné à force d’argent les ouvriers, s’introduisait, sous un déguisement, dans la chapelle Sixtine, pendant son absence. Michel-Ange ne tarda pas à se douter de la trahison de ses ouvriers,