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représentant le jeune David, armé de sa fronde. Il se renferma dans un atelier qu’il se fit construire, à Santa-Maria-del-Fiore, et y acheva sa statue, sans permettre que l’on vînt visiter son travail. Le marbre manqua en certains endroits où l’on remarque encore plusieurs coups de ciseau de Simone  (29). Michel-Ange fit là un véritable miracle, car il donna l’existence à un mort. Giuliano et Antonio San-Gallo, à l’aide d’une machine fort ingénieuse, transportèrent sans danger, en 1504, ce colosse sur la place de’ Signori (30). Quelque temps après, Michel-Ange était occupé à opérer de légères retouches, lorsque survint le gonfalonier Pier Soderini, qui se mit à critiquer la grosseur du nez de David. Michel-Ange voyant que Soderini regardait son ouvrage de bas en haut, et que ce point de vue défavorable ne lui permettait pas de bien juger la chose, monta sur son échafaud, et ramassa adroitement de la poussière de marbre, qu’il laissa tomber sur son critique pendant qu’il faisait semblant de corriger le nez avec son ciseau ; puis, se retournant vers le gonfalonier, il lui dit : « Eh bien ! qu’en pensez-vous maintenant ? — Admirable ! répondit Soderini, vous lui avez donné la vie. » Michel-Ange descendit de son échafaud, en riant de ce docte magistrat, semblable à tant d’autres parfaits connaisseurs, qui parlent sans savoir ce qu’ils disent. Ce chef-d’œuvre éclipsa la renommée de toutes les statues modernes et antiques, grecques et latines, sans excepter le Marforio de Rome (31), le Tibre et le Nil du Belvédère, ou les Colosses de