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La honteuse action du cardinal San-Giorgio fut universellement blâmée ; cet homme n’avait pas le moindre goût pour les arts, et appartenait à la classe de ces gens qui jugent les choses sur l’apparence, et s’attachent plus au nom de l’ouvrier qu’à l’œuvre elle-même (22). Mais cela servit du moins à accroître la réputation de Michel-Ange, qui fut appelé à Rome, où il resta près d’un an, chez le cardinal, sans toutefois recevoir de lui la commande d’aucun ouvrage ; car, je le répète, ce seigneur était fort ignorant. Dans ce temps, le barbier du cardinal, qui se piquait d’étre connaisseur, et qui même se mêlait de peindre en détrempe, se lia avec Michel-Ange, qui lui donna un carton où il avait représenté saint François recevant les stigmates. Ce barbier en fit un petit tableau très soigné, que l’on conserve aujourd’hui dans la première chapelle, à main gauche, en entrant dans l’église de San-Piero-a-Montorio (23).

Messer Iacopo Galli, gentilhomme romain et amateur instruit, reconnut le mérite de notre artiste, et lui fit exécuter en marbre un autre Cupidon, grand comme nature, et un Bacchus, haut de dix palmes, tenant une coupe de la main droite, et de la gauche une peau de tigre, et une grappe de raisin qu’un petit satyre mange furtivement. Le corps du dieu de la vendange offre un merveilleux mélange de la tournure svelte et souple d’un jeune homme, avec la délicatesse et la rondeur des formes d’une femme  (24).

Le cardinal de Saint-Denis, autrement appelé le