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meilleurs morceaux de ce monument. Il ne resta guère plus d’un an à Bologne, quoiqu’il fût traité avec toutes sortes d’égards par Messer Aldovrandi, qui, charmé de sa belle prononciation, aimait à lui entendre lire le Dante, Pétrarque, Boccace et d’autres poètes toscans. Mais il comprit qu’il perdait son temps dans cette ville, et il retourna à Florence, où il fit en marbre un petit saint Jean, pour Laurent, fils de Pierre-François de Médicis, et un Cupidon endormi, grand comme nature, qui fut montré, par l’entremise de Baldassare de Milan, à ce même Laurent, qui le trouva si beau et si admirable qu’il dit à Michel-Ange : « Si tu lui donnais une apparence de vétusté, en l’enterrant, tu l’enverrais à Rome où il passerait sûrement pour antique, et tu le vendrais beaucoup plus cher qu’ici. » Michel-Ange, dit-on, aurait suivi ce conseil ; d’autres veulent que Baldassare de Milan, après l’avoir transporté à Rome, l’ait enfoui lui-même dans son jardin, et l’ait vendu au cardinal San-Giorgio, la somme de deux cents ducats. D’autres prétendent qu’il fut vendu par un agent de Baldassare, et que celui-ci écrivit à Laurent de donner trente écus à l’artiste, assurant qu’il n’avait pu trouver un meilleur prix de la statue. Mais le cardinal San-Giorgio apprit que le Cupidon avait été fait à Florence, et y envoya un de ses gentilshommes pour en découvrir l’auteur (20). Furieux de la fourberie du marchand, le cardinal reprit son argent en rendant la statue ; alors, le duc Valentino l’acheta et la donna à la duchesse de Mantoue  (21).