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les plus heureuses dispositions, et de les envoyer travailler dans ses jardins, où il se promettait d’en faire des hommes capables de l’honorer autant que sa belle Florence. Le Ghirlandajo lui envoya Michel-Ange et Francesco Granacci. Nos jeunes artistes trouvèrent dans les jardins Torrigiano, de la famille des Torrigiani, qui s’occupait à modeler en terre certains morceaux antiques que lui avait donnés le vieux Bertoldo. Michel-Ange, piqué d’émulation, ne tarda pas à l’imiter, et ses premiers essais furent remarqués par Laurent de Médicis, qui l’encouragea vivement à continuer ces études. Quelques jours après, il se mit à copier en marbre une tête de Faune, dont le nez et la bouche étaient rongés par le temps. Il n’avait encore jamais touché un ciseau, mais il fut assez hardi pour suppléer par son imagination, à ce qui manquait à l’original ; il ouvrit la bouche du Faune de façon que l’on apercevait la langue et toutes les dents. À la vue de cet ouvrage, Laurent, après un moment de surprise et d’admiration, lui dit en plaisantant : « Tu devrais savoir qu’il manque toujours quelques dents aux vieillards. » Michel-Ange sentit cette vérité, et Laurent ne fut pas plus tôt parti, qu’il cassa une dent à son Faune, et imita dans la gencive jusqu’au vide qu’elle devait laisser (9). Laurent, à son retour, rit beaucoup de la docilité et de l’ingénuité de Michel-Ange. Ayant résolu de protéger un génie si brillant et si précoce, il fit dire à son père que, s’il voulait le lui confier, il le traiterait comme son propre fils. Lodovico y consentit volontiers (10). Laurent donna