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frappante et aussi complète qu’elle le peut faire l’homme tout entier ; car on peut dire avec certitude, d’après les magnifiques exemples que nous ont transmis tant de grands maîtres, que nul autre art n’a su s’élever à autant de puissance que le nôtre, dans la traduction expressive de l’âme. Les plus belles pages des écrivains les plus pénétrants sont loin à cet égard de rencontrer la vérité qu’obtient la peinture, et d’exercer autant de prestige qu’elle ; on n’a qu’à se rappeler ici, pour n’en pas douter, les profondes et lisibles interprétations du masque humain, dans tous ses aspects et toutes ses variétés, ainsi que nous les ont laissées, suivant la force de leur talent et la portée de leur génie, Léonard de Vinci, Raphaël, Giorgione, Titien, Holbein, Porbus, Velasquez, Rubens, Vandyck, Rembrandt, Philippe de Champagne, Hiacynthe Rigaud, Reynolds et Lawrence. Eh bien ! cette étude de l’homme, si vaste qu’elle peut à la fois étreindre toutes les nuances physiques et morales, et pour laquelle tous les maîtres que nous venons de citer, et tant d’autres encore avec eux, ont rassemblé tout ce qu’ils pouvaient avoir d’énergie et de sagacité, est devenue une pratique sans conscience et sans autre but que le lucre. Pourvu qu’un portrait plaise et se paie, et qu’il en amène beaucoup d’autres à sa suite comme une enseigne qui achalande, la fonction est remplie, et l’artiste est content, si ce n’est fier ; mais à quelle condition capable de satisfaire un talent consciencieux et intelligent cette œuvre aura-t-elle obtenu le succès ? le portrait aura-t-il plu parce qu’on