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Si le crime odieux qui souille la mémoire d’Andrea dal Castagno est incontestable, il n’en est pas de même du motif que lui assignent la plupart des historiens qui ont succédé à Vasari. « Andrea, disent-ils sans grandes variantes, Andrea poignarda son ami Domenico dans le but de rester seul possesseur du secret de la peinture à l’huile. » Dès que l’on admet cette assertion, il faut conclure que Andrea ne dut consentir à communiquer à personne ce prétendu secret si chèrement acheté. Et alors que devient le fameux procédé ? il meurt avec Andrea. Maintenant par qui le fera-t-on ressusciter ? Mais nous ne voulons point rentrer sur un terrain déjà suffisamment exploré. Ce que nous avons dit de la peinture à l’huile dans le commentaire d’Antonello de Messine nous dispense d’aborder de nouveau ce sujet. Nous nous contenterons donc ici d’apprécier la valeur de Domenico de Venise et d’Andrea dal Castagno, en ayant soin, lorsque nous serons arrivés à ce dernier, de mettre de côté les préventions contre lesquelles n’ont pas su se prémunir plusieurs écrivains qui n’ont considéré le mérite de l’artiste qu’à travers l’infamie du meurtrier.

S’il est permis de juger Domenico de Venise par le seul de ses tableaux qui se soit conservé, celui qui orne encore aujourd’hui l’église de Santa-Lucia, on peut le comparer pour le calme et la naïveté de la composition au Giotto, et pour l’intelligence des effets de lumière ainsi que du jeu des muscles du corps humain à Pietro della Francesca, des leçons