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d’en faire aussi ressortir les désavantages. Cette beauté qui s’enfante exclusivement de la solidité, de la simplicité et de la régularité, a quelque chose de triste et de monotone. Quand les peuples deviennent plus riches et plus ingénieux, et que leur religion, leur organisation civile et leurs mœurs s’assouplissent et se font moins austères et exclusives, ils demandent à l’art autre chose que sa sobriété première ; on veut plus de variété, d’élégance ; on veut des ornements là où la nudité avait été autrefois acceptée comme une chose chaste et grave. C’est là pour l’art un pas vraiment périlleux ; c’est le moment précis où, si une nation manque d’hommes forts, toutes les acquisitions antérieures en fait d’art sont menacées de se perdre et d’aboutir à la plus déplorable nullité ; c’est alors que, faute de savoir tirer de l’essence du passé ce qui convient pour les améliorations exigées par le présent, on tombe dans toutes les aberrations et tous les écarts qui offensent l’avenir ; on détruit, on replâtre, on pille, on amalgame, on ne laisse à rien de ce qui est ancien son caractère, sans en donner à rien de ce qui est nouveau. Mais c’est aussi un admirable moment, que celui où tout est remis en question, où la richesse de l’esprit humain peut se dépenser entière, sans compter avec la règle et sans payer impôt à la routine. L’Italie nous l’a bien prouvé. De grands génies se sont trouvés pour elle, et dans cette abondante rénovation, entreprise par eux du treizième au seizième siècle, rien ne s’est perdu du passé et tout s’est accru pour l’avenir ; les hommes d’art et