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si peu qu’il en ait produit, des qualités tellement rares et fortes, qu’il est bon d’y apporter une attention particulière. S’il ne fut point un homme fécond, ou s’il ne sut pas s’employer comme d’autres, il est clair au moins qu’il fut heureux et merveilleusement inspiré dans tout ce qu’il entreprit. On pourrait dire de lui qu’il ne fit guère en architecture que des morceaux ; mais ces morceaux sont tellement achevés en eux-mêmes, et tellement compris par rapport aux choses auxquelles ils sont attachés, qu’on doit croire que l’artiste eût été capable d’un grand ensemble, bien qu’il ne l’ait pas fourni. Toutes les fois que le Cronaca fut appelé à faire œuvre d’architecte, il sut satisfaire à toutes les conditions et à toutes les convenances de l’entreprise qu’on lui confiait, ce qui ne peut appartenir qu’à un homme de sens et d’expérience ; et en restant dans ces bornes exactes, il sut faire briller en surcroît toute l’élégance et toute la majesté que l’intelligence de la masse, des contours et de l’ornement, peut seule donner ; ce qui est d’un artiste plein de tact et de génie. Il n’est pas jusqu’à sa petite église de campagne, sur la colline de San-Miniato, près de Florence, qui ne soit un chef-d’œuvre de proportion, de simplicité, de pureté et d’ordonnance. C’est cette église de San-Francesco-al-Monte que Michel-Ange visitait souvent, et qu’il appelait avec tant de justesse sa belle villageoise. Mais, comme nous l’avons déjà dit, le principal titre du Cronaca c’est l’achèvement de l’œuvre de Benedetto da Maiano, c’est-à-dire les derniers travaux du palais