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si touchante, que Pilate ému de compassion cherche avec ses trois conseillers les moyens de le délivrer. De toutes les productions d’Andrea, celle-ci serait la plus belle et la plus précieuse, si, par une incurie déplorable, on ne l’eût laissée gravement endommager par des enfants et des gens peu éclairés, qui, en égratignant les têtes et les jambes des Juifs, ont peut-être cru venger les injures de Notre Seigneur (5). Certes, si Andrea eût possédé le coloris, du moins au même degré que l’invention et le dessin, il aurait été un peintre vraiment merveilleux.

À Santa-Maria-del-Fiore, il représenta à cheval Niccolò da Tolentino (6). Pendant qu’il était occupé de ce travail, un enfant ayant par hasard remué son échafaud, il entra dans une si violente colère, qu’il poursuivit jusqu’au coin de la maison des Pazzi ce petit malheureux en le frappant brutalement.

Il fit aussi, dans le cimetière de Santa-Maria-Nuova, un saint André qui lui valut d’être choisi bientôt après pour peindre, dans le réfectoire de l’hôpital, la Cène du Christ avec les apôtres. Cet ouvrage le mit en faveur auprès de la maison Portinari et du directeur de l’hôpital, et fut cause qu’on lui donna à décorer une partie de la grande chapelle, dont le reste avait été confié à Alesso Baldovinetti et au célèbre Domenico de Venise, qui était venu pratiquer à Florence la peinture à l’huile (7).

La faveur dont jouissait Domenico ne tarda pas à allumer la rage d’Andrea, qui, malgré sa supériorité incontestée comme dessinateur, maudissait cette rivalité. Il ne pensa plus qu’à trouver les moyens