Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/722

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long-temps un obstacle à ses progrès, d’autant plus qu’il l’avait saisie avec facilité, car elle était maigre, sèche, et pauvre de dessin. Aussi ne fut-ce qu’à l’aide d’un travail opiniâtre qu’il parvint à comprendre la beauté des nus et à vaincre les difficultés des raccourcis en étudiant les cartons dessinés par Michel-Ange pour la salle du conseil, à Florence (51). Tout autre qui eût manqué de courage, croyant avoir jusqu’alors perdu son temps, n’aurait jamais tenté ce que fit Raphaël. Il secoua le joug incommode de la manière du Perugino pour se former à celle de Michel-Ange hérissée de milles difficultés. De maître qu’il était, il devint élève, se livra à des études incroyables pour acquérir en peu de mois ce qui ne s’obtient qu’au bout de plusieurs années après un travail dont la jeunesse seule est capable, par sa plus grande facilité à apprendre chaque chose. En effet, celui qui de bonne heure ne se nourrit pas de bons principes, et ne s’instruit pas dans la manière qu’il veut suivre, et qui à l’aide de l’expérience ne surmonte pas peu à peu les difficultés de l’art en cherchant à en comprendre toutes les parties et à les mettre en pratique, celui-là, dis-je, ne s’élèvera jamais à la perfection, ou, s’il y arrive, ce sera avec infiniment plus de temps et de peine. Lorsque Raphaël voulut changer et améliorer son style, il ne s’était jamais livré à l’étude approfondie du nu. Jusqu’alors il s’était borné à dessiner d’après nature dans la manière du Perugino, son maître, en y ajoutant toutefois cette expression gracieuse qui chez lui semble un don de la nature. Il s’attacha