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roulant des yeux hagards ; ses muscles contractés, ses veines tendues, son souffle précipité, sa pâleur, tout en lui annonce la présence de l’esprit malin. Un vieillard soutient cet infortuné dans ses bras. Ses sourcils relevés, son front plissé, indiquent chez lui une lutte terrible entre la résolution et la frayeur, et en même temps la vue des apôtres semble lui inspirer de la confiance et une nouvelle vigueur. Une femme, la principale figure de ce tableau, à genoux devant les disciples, se tourne vers eux les bras étendus, et appelle leur attention sur le misérable état du possédé. Les apôtres, les uns debout, les autres assis ou agenouillés, témoignent la plus vive compassion. Il y a dans cette peinture des figures si belles et des têtes d’un style et d’un caractère si neuf et si varié, qu’elle a été regardée avec raison par tous les artistes comme l’ouvrage le plus admirable qu’ait produit le pinceau de Raphael. Que celui qui veut se représenter le Sauveur resplendissant de l’éclat de sa divinité aille le contempler dans ce chef-d’œuvre. Le Christ, planant au-dessus de la montagne, est enveloppé d’une vapeur lumineuse qui rejaillit sur Moïse et Élie. Pierre, Jacques et Jean sont prosternés ; l’un se jette la face contre terre, un autre porte sa main devant ses yeux, comme pour se garantir de l’éclat que répand la splendeur de leur maître qui, vêtu d’une robe plus blanche que la neige, les bras ouverts et la tête élevée, semble manifester l’essence et la divinité des trois personnes. Raphaël rassembla dans la tête du Christ tout ce que son art pouvait enfanter de plus