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gination était merveilleuse, découvrit la manière de graver sur bois, et d’obtenir au moyen de trois planches les demi-teintes, les lumières et les ombres des dessins en clair-obscur ; invention aussi belle que précieuse. Nous avons vu depuis un grand nombre de gravures exécutées de cette manière, comme nous le dirons plus en détail, lorsque nous arriverons à la vie de Marc-Antoine de Bologne. Raphaël fit ensuite pour le monastère des frères du Monte-Oliveto, à Palerme, appelé Santa-Maria-dello-Spasimo, un Portement de croix que l’on regarde comme un chef-d’œuvre. L’impiété et la rage des bourreaux qui conduisent le Christ au Calvaire sont énergiquement exprimées ; le Sauveur du monde succombe sous le poids de la croix, et se retourne baigné de sueur et de sang vers les deux Maries qui pleurent amèrement ; Véronique, poussée par un sentiment de vive compassion, court, les bras ouverts, présenter un linge au Christ, escorté par une foule de soldats à pied et à cheval, qui débouchent de la porte de Jérusalem. Ce tableau, lorsqu’il fut achevé, courut les plus grands risques avant d’être rendu à sa destination. Le vaisseau qui devait le conduire à Palerme fut battu d’une violente tempête, et s’ouvrit en donnant contre un écueil ; tout périt, hommes et marchandises, le tableau seul échappa au danger ; la caisse qui le renfermait, portée par les flots sur la côte de Gènes, y fut repêchée et tirée à terre ; on trouva la peinture intacte : les vents et la mer semblèrent avoir voulu respecter sa divine beauté. Le bruit de cet événement arriva à