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de l’exécution à l’idée. Concevoir et réaliser n’était pas pour eux une chose distincte ; le sentiment et la réflexion chez eux se confondaient. Moins hardis et excentriques que beaucoup d’autres, ils furent supérieurement sagaces et profonds. Cette tournure particulière d’esprit leur était propre et commune ; c’était en quelque sorte un bien de famille. L’un d’eux, neveu des deux frères Antonio et Giuliano, Antonio-Battista Gobbo, traduisit et commenta Vitruve. Un autre, leur petit-neveu, Bastiano, peintre, machiniste et décorateur, ami de Raphaël et de Michel-Ange, fut surnommé Aristote, parce qu’il avait professé à Florence avec un grand éclat l’anatomie, la géométrie et la perspective. Ce surnom d’Aristote donné à l’un d’eux, quoique nous soyons assurément loin de le prendre au sérieux, exprime assez bien ce qu’il y avait de distinctif chez les Giamberti. C’étaient des esprits étendus, mais souverainement analytiques et minutieux, des caractères pleins de franchise et d’activité, mais exacts et susceptibles. Aussi Giuliano, déjà anobli du nom d’un de ses chefs-d’œuvre, par le magnifique Laurent, déjà employé depuis long-temps par le cardinal de la Rovere, ne sut-il pas se créer assez d’ascendant et montrer assez d’intrépidité pour convenir désormais au pape Jules II. Il fallait sous ce grand homme, arrivé enfin à la suprême puissance, se porter fort d’un génie plus hardi et d’un art plus élevé. Le cardinal de la Rovere aimait son vieux et digne serviteur ; mais il ne s’agissait plus de son palais de Savona, il s’agissait de Saint-Pierre ; et San-Gallo,