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que l’école ducale fut définitivement fondée, et que son influence put l’emporter sur les ateliers des maîtres. L’art en fut subitement appauvri ; c’est là un fait qu’on ne peut nier. Tous les grands mobiles de l’émulation vinrent s’amortir à ce centre étroit. La démonstration scolastique du professeur remplaça désormais les leçons intimes du maître et la participation précoce de l’apprenti à ses œuvres. La parole remplaça l’action dans l’étude des arts de l’œil et de la main, et, chose étonnante ! il y eut des chaires de dessin et d’architecture comme il y avait des chaires de rhétorique et de philosophie ; des thèses de peinture et des diplômes de peintres, comme il y avait des thèses de théologie et des diplômes de docteurs. Cette influence de l’enseignement uniforme courba tous les esprits. Il fallut renoncer à choisir son maître, à interroger son propre génie ; il fallut se résigner à ignorer à jamais sa propre force et son propre développement, et à les échanger contre une force d’emprunt et un développement assigné à l’avance. Tout fut réglé, et la règle devint immuable : fatale organisation, que les besoins et les tendances de la jeunesse repoussent, et qui, certes, n’a pu découler que de l’esprit conservateur des vieillards. — Mais heureusement les grands maîtres étaient formés, et ils avaient pu achever leurs chefs-d’œuvre avant ces jours de servitude ; comme si la Providence avait voulu marquer ce que peut le génie de l’homme quand il est libre et que sa dignité n’a pas encore souffert d’atteinte. Quoi qu’il en soit, la jeunesse surprise