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mençaient à se changer en obstacles. L’abondance tournait à l’étouffement, l’émulation à la violence, et la concurrence à l’intrigue. Le terrain n’était plus tenable. Florence avait beau faire, elle avait beau déverser sur l’Europe son trop plein, pour se donner chez elle un peu d’air et de jeu, son époque critique était arrivée. Les migrations aventureuses de ses artistes déclassés l’avaient un moment soulagée ; mais elles devenaient de jour en jour impossibles, parce que la magique influence du génie italien avait fait surgir partout des écoles nationales. La caravane du commerce et de l’art florentins revenait à vide de la France, de l’Espagne, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ces pays étaient épuisés et fournis, ou d’ailleurs s’exerçaient eux-mêmes à la production. Le temps était décidément passé où Léonard, André del Sarte, le Rosso, le Primatice, Benvenuto et tant d’autres recrutaient pour la France ; où le Visino, cet élève de l’Albertinelli, florissait en Hongrie, et Michel-Ange de Sienne jusqu’en Esclavonie ; où l’intrépide Torrigiano rompait son ban pour embaucher ses jeunes compatriotes au service de son roi Henri VIII d’Angleterre. C’est dans ces circonstances et par un fatal concours qu’on reprit l’institution de Laurent de Médicis ; car il faut dire qu’elle avait été abandonnée après sa mort, sous l’administration insensée de son fils Pierre et sous la magistrature républicaine de Soderini. Pierre avait même dispersé ou vendu tous les chefs-d’œuvre accumulés par sa famille depuis Salvestro et le vieux Cosme. C’est après, et sous les mauvais règnes qui suivirent,