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limites d’un si beau temps, après de tels travaux, de telles fatigues et de telles œuvres, si quelque chose était saint au monde, c’était assurément la vieillesse. Cette race était trop forte pour qu’on pût se permettre de compter avec elle ; la jeunesse pouvait sans y regarder céder le pas à tous ces travailleurs à barbe blanche, et laisser respectueusement finir ces vieux lions. Mais, malgré ce magnifique spectacle offert par la fin du quinzième siècle et le commencement du seizième, il se préparait en dessous un mal immense, et pour les bons esprits le péril était imminent. Ce mal avait sa racine dans des causes invincibles et profondes, que nous analyserons plus tard, et dans ce livre même, lorsque son cours nous aura fourni les matériaux et les preuves nécessaires à cet examen. Nous dirons seulement ici que les académies commençaient à envelopper l’Italie de leurs inextricables réseaux, et que l’art condamné déjà, peut-être pour avoir marché trop fort et trop vite, allait expier dans les lenteurs de la routine les rapides triomphes de la liberté. C’est que le pouvoir et le génie, qui est aussi un pouvoir, moissonnent vite et usent beaucoup. Leur fait, quoi qu’on dise pour les flatter, n’est pas d’assurer la continuité des choses, mais, au contraire, de les précipiter toutes. Qui excelle résume, qui résume abrège ; et c’est ainsi que les institutions fortes et les hommes puissants dévorent souvent en un jour ce qui pouvait sustenter des siècles. La paternelle institution de Laurent était imprudente, d’autant plus imprudente qu’elle était forte, et qu’elle pouvait facilement se consacrer