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qui vaut peu ou rien), qu’il fut obligé de charger deux hommes pour les porter chez lui. Aussi était-il bien convaincu qu’il allait se trouyer tèrs riche. Mais ayant prié un de ses compatriotes de compter cette somme et de l’évaluer à la mode italienne, le Florentin lui prouva que le tout ne montait pas à trente ducats. Torrigiano, outré de colère en se voyant joué de la sorte, courut vers sa statue et la brisa à coups de marteau.

L’Espagnol, irrité, accusa d’hérésie le pauvre artiste. Jeté en prison, interrogé chaque jour, et ballotté d’un inquisiteur à un autre, Torrigiano fut enfin jugé digne d’un très grave châtiment ; ce qui ne put être mis à exécution, car le malheureux, désespéré, resta plusieurs jours sans manger, et se laissa peu à peu mourir de faim. Il évita ainsi la honte du supplice : on croit qu’il avait été condamné à mort. Ses œuvres datent de l’an 1515 ou environ. Il mourut en 1522.



Ce n’est pas nous, certes, qui nous récrierons contre la chaude diatribe et la grande colère auxquelles le Vasari s’abandonne en commençant la vie de Torrigiano. Il nous semble, au contraire, qu’en nqus bornant à parler comme il convient à des hommes de notre âge et de notre temps, nous pourrions encore à bon droit ajouter à son indignation.