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sât. Il brisait leurs ouvrages lorsqu’ils valaient mieux que les siens ; et s’ils se fâchaient, il passait bientôt des paroles aux voies de fait. Il portait une haine particulière à Michel-Ange, uniquement parce que celui-ci, étudiant avec ardeur et travaillant les jours de fête et une partie des nuits, s’attirait les éloges et les caresses du magnifique Laurent, qui le voyait surpasser tous les autres. Torrigiano, poussé par une jalousie effrénée, cherchait à l’offenser par tous les moyens possibles. Un jour ils en vinrent aux mains, et Torrigiano, d’un effroyable coup de poing, brisa le nez de son adversaire, de telle sorte qu’il en porta la marque toute sa vie. Laurent en conçut un si violent courroux, que l’agresseur aurait reçu un grave châtiment s’il ne se fût enfui de Florence.

Il alla à Rome, où le pape Alexandre VI faisait travailler à la tour Borgia. Torrigiano, en compagnie d’autres maîtres, y exécuta de nombreux travaux de stuc. Peu de temps après, il se laissa entraîner, par quelques jeunes gens florentins, à prendre du service dans les troupes du duc Valentin, qui était en guerre avec les Romagnols. Tout à coup le sculpteur devenu soldat se conduisit valeureusement dans les guerres de la Romagne. Il se montra également brave sous Paolo Vitelli, dans la guerre de Pise, et se trouva avec Pierre de Médicis au fait d’armes du Garigliano, où il enleva un drapeau et reçut le nom de vaillant enseigne. Puis, voyant que malgré sa valeur il n’obtiendrait jamais le grade de capitaine, et que, loin d’avoir retiré quelque profit de la guerre, il avait