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Quand les artistes sont arrivés à cette époque de la vie où l’œil n’est plus sûr, où la main n’est plus ferme, ils doivent se borner à donner des conseils à celui qui travaille. Les arts de la peinture et de la sculpture exigent un esprit indépendant, vif et fier, comme on l’a dans l’âge où le sang bouillonne, où, plein d’ardeur et de volonté, on ose se déclarer ennemi capital des plaisirs du monde. Que celui qui n’est point disposé à mettre un frein à ses passions ne se livre à l’étude d’aucune science et d’aucun art ; car les plaisirs ne peuvent s’allier avec le travail. Et comme ces vertus traînent derrière elles des poids énormes, peu de lutteurs remportent la victoire ; et si nombre de gens se donnent force mouvement et dépensent grande chaleur au moment du départ, bien rares sont ceux qui arrivent au but pour recevoir le prix mérité.

Torrigiano, sculpteur florentin, avait beaucoup de talent, mais encore plus de vanité et d’orgueil. Dans sa jeunesse, il fut du nombre des élèves que Laurent de Médicis faisait instruire à ses frais dans le jardin situé sur la place San-Marco, à Florence. Ce magnifique citoyen, tout en ornant son jardin et son palais des chefs-d’œuvre de l’antiquité et des meilleures productions des plus grands maîtres, avait voulu former en même temps une académie de peinture et de sculpture qu’il destinait surtout à la jeune noblesse : Laurent pensait que les hommes d’origine illustre devaient atteindre la perfection plus facilement et plus promptement que les gens de basse extraction, chez qui l’on trouve rarement les