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Certes, il est affligeant que le talent recrute ordinairement ses élus au sein de la pauvreté. Cela engendre de grandes souffrances ; mais qu’y faire ? Dieu l’a peut-être voulu ainsi pour ôter un peu de prestige à la richesse ; il lui en a tant donné, d’ailleurs, que cela n’est pas un grand mal. — Mais sous un autre point de vue, quand on se laisse aller à dire qu’il faut de la misère au génie, et de la faim aux travailleurs ; on se permet une turpitude, et une turpitude banale, dont l’avarice ne néglige pas la conséquence infâme.

Michel-Ange et le vieux Cosme comprenaient mieux la chose. Leurs paroles sont dures, mais les préjugés de leur temps en pallient l’apparente cruauté, et l’intérêt de l’art en sanctionne la réelle justesse. — Quand ils ne voulaient que des enfants de sang noble et de fortune aisée pour entrer dans les ateliers, ils ne raillaient pas la misère, mais ils entendaient honorer l’art et l’élever à toute sa virtualité, en prenant des gages certains, suivant eux, de désintéressement et d’indépendance.

Voir Lanzi, I, 137.