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et le Camoëns, ce spartiate portugais, qui n’avait pas de larmes pour lui, mais qui savait pleurer encore la patrie sur le grabat de l’hôpital. Les arts ont fourni beaucoup de ces hommes-là ; et c’est quelque chose qui témoigne, plus qu’on ne le croit, de leur valeur.

Mais si cette misère est sublime et sainte, et si parfois on ne peut se défendre, à son insu, d’une sorte de satisfaction à la voir si noblement souffrir pour l’honneur de l’espèce ; il y en a une autre qui ne fait que mal, mal et pitié. C’est cette abjection odieuse et ce stérile renoncement à soi-même où sont tombés des organisations heureuses, des mérites intéressants, tordus par le sort. Que tirer de là, si ce n’est un chagrin profond et oiseux dont rien ne console, et auquel rien ne remédie ? — Voir mentir les plus belles promesses, s’avilir les plus nobles intelligences, se pourrir avant leur maturité les plus beaux fruits ; c’est un spectacle dont on se détourne parce qu’il offense et répugne. Cependant, les arts l’offrent souvent, et on peut en tirer encore quelques indices utiles pour montrer l’estime qu’on en doit faire, car cela prouve que les plus brillantes aptitudes ont besoin, pour marquer leur place, du plus ferme caractère.

Toutefois le Vasari, dans la vie de Raffaellino del Garbo, nous a paru en parler bien à son aise. Un grand seigneur n’eût pas mieux fait. S’il avait été lui-même un de ces âpres lutteurs dont nous parlions au commencement de cette note, il n’y aurait pas grand’chose à dire. Ces hommes-là ont le droit de