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pour la moralité du monde, que de voir un homme plus fort que le malheur. La jeunesse, qui a tant besoin de courage, et qui est si facilement découragée, s’arrête à ces grands exemples et s’y fortifie. C’est, en effet, un enseignement inappréciable pour les jeunes gens, dont l’ambition naissante n’a pas choisi un métier vulgaire, que de rencontrer un de ces hommes solides que rien n’abat et que rien ne lasse. Les tempéraments les plus mous sentent, à cette vue, leur énergie s’accroître et leur voie s’aplanir. La conviction les gagne, et leur marche s’en assure. — Ils sont si entraînants ces rudes travailleurs qui ne concluent pas à la paresse parce que leur travail reste infructueux, qui ne renient pas leur cause parce qu’elle est lourde à porter, qui ne désertent pas l’espérance parce qu’elle est longue à réaliser, et qui, à l’heure de leur mort, reprendraient la vie par le même sentier ! Si ces hommes ont une existence cruelle et partagée, ils font une œuvre double, et la postérité leur en tient compte. Il s’attache à leur mémoire une vénération à laquelle aucune autre vénération ne ressemble. Les résultats qu’ils laissent, toujours grands, s’agrandissent encore des efforts qu’ils ont coûtés. Eh ! comment leur vie serait-elle moins belle que leurs œuvres ! Avoir montré l’homme dans toute sa dignité, c’est encore avoir fait une œuvre d’art, et perfectionné l’œuvre de Dieu, si ce n’est pas un blasphème. Tels ont été Corrége, qui écrivait la sérénité de son âme sur ses toiles immortelles et qui mourait, haletant comme une bête de somme épuisée, sur le chemin de Parme ;