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proportion connue, si la nature avait su les achever ; artistes qui, de coutume, soulèvent dans le public et dans les ateliers des querelles aussi puériles qu’acharnées ; objets d’admiration et de doute pour les uns, de scandale et de triomphe pour les autres, suivant qu’ils sont envisagés ; talens sur lesquels on tombe difficilement d’accord quand on veut les classer, parce qu’on s’obstine étourdiment de part et d’autre à faire abstraction tantôt de leur faiblesse et de leurs vices, tantôt de leur force et de leurs beautés, tantôt de leur bonne influence, tantôt de leurs dangereux exemples. Les esprits modérés et impartiaux peuvent seuls apprécier ces hommes à leur véritable valeur ; et, du reste, ils leur accordent ordinairement la somme de suffrage et d’estime que la postérité leur conserve. En effet, ces sortes de talents pleins de sève, mais sujets aux fantasques écarts, s’ils ne font pas rigoureusement progresser l’art et s’ils ne le conservent pas positivement, le réveillent au moins dans ses langueurs et le rappellent brusquement à la question ne serait-ce que par la clameur qu’ils soulèvent. Ce sont eux qui savent en finir avec les routines académiques et les misères professorales. Fonction essentielle ! L’excentrique et fougueux Michel-Ange de Caravage en est un bon type, et l’on peut en trouver d’aussi frappants de nos jours. — Il y a encore des talents doués d’un incroyable tact et d’une rare souplesse dans leurs œuvres, genres d’esprits pleins de sagacité et d’aptitude, mais moins fermes et volontaires que les premiers, moins brillants et moins élevés que les se-