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Les talents qui peuvent se soutenir à ce rang sont éminents, et certes bien loin encore de ce qu’on peut appeler justement la médiocrité. Souvent même ils rayonnent d’un éclat qui impose et d’une majesté qui désarme. Ils doivent alors ce prestige à l’abondance et à la solide complexité de leurs productions. Ils conservent précieusement l’héritage de toutes les utiles traditions, et souvent paraissent les accroître même par un plus judicieux emploi. Ce sont, en général, ces organisations plus robustes qu’actives, ces têtes moins inspirées que réfléchies, ces tempéraments tranquilles et obstinés, ces travailleurs sérieux et constants, qu’on appelle bœufs dans les écoles, mais qui laissent un grand souvenir dans l’histoire de l’art. Tels ont été Annibal Carrache, le Dominiquin, et tant d’autres à toutes les époques et qu’on pourrait citer avec eux, mais qu’il vaut mieux taire pour ne pas nous embarrasser dans d’inutiles controverses. Ajoutons seulement que si ces puissances de volonté, de travail et de raison, sont parfois capables de tout emprunter à leur siècle, elles sont ordinairement peu propres à lui rien rendre. Mais si elles font peu de chose au fond pour l’avancement de l’art, elles en savent au moins assurer la continuité. — Ce sont encore quelquefois des hommes d’un génie évidemment incomplet et d’un talent moins consommé, des artistes souvent au-dessous du médiocre dans leurs lacunes et par leurs défauts, et souvent aussi supérieurs à tout autre dans leurs élans et par leurs qualités ; organisations sublimes, mais tronquées, et qui nous paraîtraient peut-être hors de toute