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revoir encore des résultats semblables aux leurs. Cela, certes, n’est pas ; et on le sent si bien, que ce n’est pas la peine de s’y arrêter. Mais c’est mettre évidemment le doigt sur la raison d’être de ces deux énormes individualités. Raphaël et Michel-Ange sont enfants des circonstances qui ne se sont plus retrouvées et qui étaient les plus fécondes. Ils se sont accrus de tous les efforts et de tous les résultats fournis depuis les temps de Cimabué et des premiers peintres pisans. Ils se sont accrus de toutes les inspirations de l’art traditionnel du moyen-âge et de toutes les ressources de l’art antique si spontanément restauré dans leur siècle. C’est là, pour eux, la part que la fatalité ou la providence réclame dans toutes les manifestations extraordinaires de l’homme ou de l’humanité. Ainsi, nous expliquons la supériorité anormale de ces deux hommes par ce qu’ils ont emprunté, pour aider à leur force native, de la date de leur naissance, et du milieu dans lequel ils ont vécu et opéré. Giotto, Orcagna, Masaccio, Fiesole, Ghiberti, le Verocchio et le Pérugin, pour égaler Raphaël et Michel-Ange, sont venus trop tôt. Mais il y a plus encore, c’est que d’autres aussi sont venus trop tard.

Il faut donc consentir à laisser dans une région à part ces deux privilégiés du génie et de l’opportunité, ne point les juger d’après les conditions ordinaires, mais les envisager plutôt comme une double personnification de l’art. Au reste, c’est ainsi que leur siècle l’a compris : la peinture lui a semblé s’être incarnée en eux. Rien de ce qui s’est produit depuis