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à différents degrés, déposé de leur respect et de leur découragement. Ils ont senti leurs entraves, et pour n’être point subalternisés d’une manière trop évidente et trop cruelle, ils ont localisé la lutte, si l’on peut dire ainsi. Les uns se sont efforcés à dépasser Michel-Ange en souplesse et en animation, en variété et en lumière ; les autres Raphaël en grâce même, ou en réflexion et en moralité. Ces efforts de gens, qui comprenaient la difficulté et savaient les moyens, ont produit des choses précieuses, égales, supérieures, si l’on veut ; mais pour l’unité et l’harmonie, ces deux choses les plus grandes chez les hommes les plus grands, qui, depuis Michel-Ange et Raphaël, les a possédées à un degré pareil ? C’est ce qui mènerait assez à croire que notre art est appelé à subir dans l’avenir quelque profonde transformation, si l’on veut que la loi du progrès le gouverne, comme on dit qu’elle gouverne les autres parties de l’activité humaine. Car, assurément, malgré les protestations remarquables de tant de grands maîtres, qu’il ne convient pas d’oublier ici, notre art s’est incessamment acheminé vers sa décadence ; et rien, sans l’aide de quelque circonstance, ou plutôt de quelque idée extraordinaire qui le transforme, ne peut faire imaginer qu’il doive un jour se replacer à la hauteur qu’il a perdue. Cela est tellement vrai, et tellement compris, qu’il n’y a guère que des gens superficiels et étrangers à l’intimité de l’art, qui puissent admettre qu’il suffirait qu’il nous naisse aujourd’hui des hommes organisés comme Raphaël et Michel-Ange, pour que nous dussions