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n’est pas non plus le cas de les abstraire entièrement si l’on veut éclairer la question. Il nous semble, sauf rectification si notre ignorance nous fait commettre erreur, que, dans aucune autre direction du travail humain, il n’y a eu de supériorités aussi exorbitantes, ou au moins qui aient été consacrées autant par l’accord unanime des gens le mieux faits pour en juger sainement. — À bien dire donc, ces deux immenses génies, ces deux immenses talents, ces deux hommes heureux, font un ordre à part. Quand on ne pense point à eux, la mémoire présente d’autres noms trop éclatants et des œuvres trop belles pour que l’admiration soudainement éveillée ne les classe pas en première ligne ; mais la réflexion les en fait vite descendre. Ce n’est pas qu’on ne puisse éprouver une sympathie plus intime et plus habituelle pour des talents inférieurs, qui nous charment davantage parce qu’ils correspondent mieux à nos dispositions personnelles et à notre goût particulier. Mais tel peintre, qui, s’il avait à choisir entre les maîtres, s’adjugerait le talent de Rembrandt, de Velasquez ou du Tintoret, comme lui étant plus agréable ou plus compréhensible, ne prendrait pas, cependant, sur lui de les comparer sérieusement à Raphaël ou à Michel-Ange. Nous allons plus loin, et nous ne craignons pas d’affirmer qu’il n’est entré dans la tête d’aucun maître venu après ceux-là, nous ne dirons pas de les surpasser, mais de les atteindre. Cependant, ils ont dû avoir des moments de bien sublime ambition dans leur art, les Corrége, les Titien, les Rubens, les Poussin. Mais ils ont tous,