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à notre insuffisance, et ce qui dépend de nos étroites limites.

Pour en revenir à l’Albertinelli, et à tous ceux qui nous laissèrent, comme lui, de si beaux ouvrages, et dont nous connaissons à peine les noms aujourd’hui, nous dirons que, pour les bien apprécier, il faut voir d’où l’on procède. Il faut se souvenir que, malgré nous, tout se ramène au centre. Or, au centre de l’art italien, entre le treizième et le seizième siècle, entre la naissance de Cimabué et la mort des Carraches, il y a deux énormes sommets élevés par la main de Dieu et celle des hommes, hauteur sublime d’où nous regardons ceux qui viennent et ceux qui s’en vont. Il faut se souvenir que l’on part de deux génies prédestinés, qui ne reçurent point au baptême des noms de la terre, mais des noms du ciel, Raphaël et Michel-Ange, pour remonter jusqu’à ces artistes naïfs et pieux qui fondèrent l’art catholique, ou pour descendre jusqu’à ces manœuvres prétentieux et sans croyance qui le détruisirent à tout jamais. Raphaeël et Michel-Ange ont donné la mesure à laquelle tout artiste sera d’autant plus sévèrement apprécié, qu’il aura été plus réellement éminent. Cependant, quoiqu’une longue suite de circonstances ait été en aide à notre art, quoiqu’une longue suite d’hommes forts l’ait exercé avec amour, nulle autre gloire n’a surgi qui se puisse égaler à celles-là.

Ce n’est pas sans doute le lieu de rechercher maintenant intimement quelles ont été les deux grandes figures que nous évoquons ici, mais ce