Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/612

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur l’amour de son beau ciel d’Italie, et qui connaissait un antre genre de bonté, de beauté et de noblesse, ennuyé, fatigué de tant de sottises, et se trouvant par hasard un peu en gaieté, ne put s’empêcher de leur dire qu’un flacon de vin blanc de Trebbiano et un gâteau de Toscane valaient mieux que tous leurs illustres monarques. Peu s’en fallut que notre héros n’apprît ce qu’il en coûte de badiner avec de lourdes bêtes, car ces butors de Hongrois n’entendirent pas la plaisanterie, et trouvèrent dans son dire autant d’énormité que s’il eût conspiré contre le gouvernement ou la vie de leur roi. Dans leur fureur, ils ne parlaient de rien moins que de le crucifier. Heureusement pour Visino, un évêque, homme bon et éclairé, sut tourner la chose en plaisanterie et le tirer de ce mauvais pas. Il fit même davantage pour cet artiste distingué dont il appréciait tout le mérite : il le mit en faveur auprès du roi de Hongrie, qui se divertit beaucoup de l’aventure. Enfin, Visino vit son talent estimé et honoré dans ce pays. Mais son bonheur ne fut pas de longue durée, car il mourut bientôt, ne pouvant supporter la chaleur étouffante des étuves et les froids rigoureux de ces contrées. Il laissa un vif souvenir de la considération et de la renommée qu’il s’était acquises à ceux qui le connurent, et qui virent ses ouvrages.