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bleaux où la vigueur et le ressort ne se trouvent pas joints à une certaine suavité. Il disait que les ombres seules donnent le relief ; que cependant, si elles sont trop fortes, elles ne produisent aucun effet, et que, si elles sont trop faibles, la peinture reste plate et sans vigueur. Il aurait voulu ajouter à la souplesse du modelé quelque chose que l’art ne lui semblait pas avoir compris ou rendu jusqu’alors. Le tableau de l’Annonciation lui offrait l’occasion de mettre sa pensée à exécution. Il se livra à des travaux extraordinaires, que l’on reconnaît dans les figures de quelques petits anges et de Dieu le Père, auxquelles il donna un puissant ressort, en les plaçant sur le fond obscur d’une voûte sculptée dont la perspective se prolonge avec une étonnante vérité : d’autres anges, dont les ailes paraissent doucement agitées, répandent des fleurs avec une grâce extrême. Mariotto effaça et recommença plusieurs fois cet ouvrage, avant de le terminer : d’un effet lumineux, il passait à un effet sombre et obscur ; d’une gamme vive et animée, il descendait à des tons moins chauds et accentués. Jamais il n’était satisfait ; il se plaignait de sa main inhabile à rendre sa pensée. Il aurait voulu trouver un blanc plus brillant que la céruse ; il essaya de la purifier pour lui donner l’éclat de la lumière sur les parties les plus éclairées. Enfin, forcé de reconnaître que l’art est insuffisant pour rendre ce que conçoit l’intelligence et le génie de l’homme, il s’arrêta et livra son œuvre au public. Les artistes lui donnèrent beaucoup d’éloges ; mais trompé dans l’espoir d'obtenir, en considération de ses travaux, un