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beau portrait de sa bienfaitrice, qui semblait devoir assurer sa fortune. Malheureusement pour lui, l’an 1494, Pierre de Médicis fut exilé. Mariotto, se trouvant ainsi sans appui à Florence, retourna près de son ami Baccio. Mais ce revers, au lieu de diminuer son ardeur, ne servit qu’à l’augmenter : il modela en terre, et plus que jamais étudia la nature, tout en imitant et prenant si bien la manière de son cher Baccio, qu’en peu d’années on confondit leurs ouvrages. Les connaisseurs eux-mêmes attribuaient quelquefois les tableaux de Mariotto à Fra Bartolommeo.

Séparé de son ami par ses travaux, le pauvre Mariotto apprit avec désespoir que Baccio s’était fait moine. Cette nouvelle lui parut si étrange, qu’il en devint presque fou et que rien ne pouvait l’arracher à sa mélancolie. S’il n’eût pas été du parti opposé à la faction de Savonarole, et n’eût pas autant détesté la société des moines, contre lesquels il déblatérait sans cesse, il est probable que son affection l’eût poussé à s’encapuchonner dans le couvent de Baccio. Celui-ci avait laissé inachevé le tableau du Jugement dernier, que Gerozzo Dini lui avait commandé pour l’Ossuaire. Comme il avait reçu sur le prix fixé un fort à-compte, sa conscience lui reprochait de n’avoir pas rempli ses engagements. Mariotto, cédant aux prières de Gerozzo Dini et de son ami, consentit à terminer le tableau, d’autant plus volontiers que Baccio en avait fini le carton et les dessins, et que leur manière de peindre était la même. Il remplit sa tâche avec tant d’habileté et d’amour, que beaucoup