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dépasse pas cette terrible et gigantesque figure du Saint Marc, peinte par le frère Barthélemy.

Cette figure du saint, qui nous sert à montrer la hauteur du talent de Baccio, doit aussi faire ressortir le caractère de l’homme et sa tournure d’esprit. Si l’on veut se placer devant cette œuvre par le souvenir ou la gravure, quoi de plus simple, de moins prétentieux, de plus tranquille ? Cependant le Frate l’avait entrepris pour répondre à un défi. Malgré son insouciance, il avait été forcé de prêter l’oreille aux provocations de l’école, qui ne devait pas entièrement l’épargner.

Quand Michel-Ange et Léonard luttèrent ensemble dans des circonstances analogues, ils abordèrent autrement la question. Aucun ne voulut se résumer dans une figure de saint. Ils ne s’en fièrent pas à la dévotion, cependant encore bien vivace ; ils attaquèrent des passions plus chaudes, et voulurent remuer des impressions récentes. Michel-Ange peignit la jeunesse de Florence s’élançant à la guerre pisane, et Léonard, les vétérans de son âge se faisant couper les poignets pour rapporter à Florence les drapeaux des Visconti.

Le Frate se contente d’offrir aux regards l’évangéliste Saint Marc, le patron de son couvent ; et l’on peut dire avec justice que Léonard et Michel-Ange, dans leur prodigieux concours, n’ont rien montré qui soit plus vaste et plus intimement beau que la page silencieuse du Frate.

Enfin, pour terminer, disons que le Frate servit aux progrès de la peinture florentine ; que ses der-