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science acquise et du goût épuré de cette sublime école. Toutes les grandes conditions de l’art toscan se réunissent effectivement dans les œuvres de Baccio : expressif comme Léonard, gracieux comme Raphaël et Andrea del Sarto, imposant comme Michel-Ange, savant enfin et inspiré de la science et du sentiment de tous, mais sans servilité, sans efforts, sans affectation et sans écarts. On aurait pu assurément attacher à ses précieuses peintures le beau titre que méritèrent celles d’Andrea : les œuvres de l’un et de l’autre sont également sans reproche, senza errori. Ajoutons aussi que l’espèce d’éclectisme dans lequel sut se tenir le Frate n’ôta jamais à son talent quoi que ce soit de sa naïveté et de son indépendance. Chacune des œuvres de ce maître frappe de loin et apporte son nom avant l’examen ; au moins l’avons-nous toujours ainsi remarqué autour de nous, quoique nous nous rappelions fort bien la méprise complimenteuse de Pietre de Cortone, qui attribuait à Raphaël certaines peintures du Frate. C’est que dans son choix, dans ses emprunts, le Frate sut toujours rester lui-même, et ne s’appropria jamais rien sans l’avoir intimement compris. Aussi a-t-on eu tort quand on a insisté autant pour le placer parmi les artistes éclectiques. On garde sa personnalité quand on ne sort point, dans ses imitations, de sa propre conscience et des sympathies de son temps et de son pays, surtout lorsqu’on appartient à une époque aussi vierge que la sienne.

Si le Frate n’eût pas été organisé aussi fortement peintre, le Savonarole l’eût amené à la renonciation