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les esprits, que ce jour-là, au lieu de former le bûcher de bois et de broussailles, on brûla des livres, des instruments de musique, des recueils de poésie, et une énorme quantité de tableaux et de sculptures représentant des sujets profanes, mais venant des meilleurs maîtres ; ce qui fut une perte irrémédiable pour les arts et surtout pour la peinture. Baccio apporta toutes les études qu’il avait faites d’après le nu, et fut imité par Lorenzo di Çredi et plusieurs autres surnommés les pleureurs.

Peu de temps après, Baccio plaça dans un de ses tableaux le portrait de Fra Ieronimo, en signe de l’amitié qu’il lui portait. Cette magnifique peinture, envoyée d’abord à Ferrare, est revenue dernièrement à Florence. On la voit chez Filippo Alamanno Salviati, qui en fait grand cas à cause de son auteur (2).

Les partis ennemis de Fra Ieronimo se rassemblèrent un jour, pour s’emparer de lui et le livrer à la justice, afin de le punir des séditions qu’il avait excitées à Florence. Les amis de Savonarola se réunirent de leur côté, au nombre de plus de cinq cents, et se renfermèrent dans San-Marco. Baccio se joignit à eux ; mais il faut avouer que, timide et peu courageux, il eut une grande frayeur en apprenant qu’on livrait un assaut au couvent, et que de part et d’autre il y avait des tués et des blessés. Dans son épouvante, il fit vœu d’entrer en religion, s’il échappait à cette furieuse bagarre, et il observa scrupuleusement sa promesse. Enfin le tumulte s’apaisa, lorsque Ieronimo eut été pris et condamné à mort, comme le racontent les historiens de ce temps.