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de précision dans les parties qu’il termina, que sa réputation s’accrut extraordinairement. On exalta beaucoup l’habileté avec laquelle il avait su rendre la gloire céleste, et le Christ, entouré de ses douze apôtres, jugeant les douze tribus. Les draperies sont d’une souplesse et d’une richesse merveilleuses. Le dessin inachevé laisse voir de malheureux damnés, dont les figures expriment énergiquement la honte, le désespoir et la souffrance. La joie et la béatitude des élus sont rendues avec une égale perfection. Malheureusement, cette œuvre resta imparfaite, Baccio ayant résolu de se consacrer à Dieu plutôt qu’à la peinture.

À cette époque, Fra Ieronimo Savonarola, de Ferrare, célèbre théologien de l’ordre des prêcheurs, vint à San-Marco. Baccio prit cet homnme en grande vénération, assista à toutes ses prédications, et finit par se lier si étroitemnent avec lui et les autres moines de San-Marco, qu’il sortait rarement de leur couvent. Savonarola tonnait chaque jour, du haut de la chaire, contre les poésies érotiques, la musique, les peintures lascives, et tout ce qui excite les passions. Il s’indignait de voir, dans les maisons où se trouvent de jeunes filles, des tableaux représentant des nudités. Le peuple s’échauffait à de tels discours. Le carnaval arriva. Suivant un ancien usage, le soir du mardi-gras, on allumait un grand feu de joie sur la place publique, et les hommes et les femmes dansaient autour, se tenant par la main en chantant des rondes amoureuses. Fra Ieronimo avait si bien remué