Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Bramante. Ne voir en lui qu’un grand architecte, et considérer isolément ses œuvres, dont le plus grand nombre a été dénaturé par des modifications successives, ce serait une grande injustice à son égard. Le Bramante est un des représentants les plus élevés de l’art et de l’activité du quinzième siècle ; mais, malgré sa grande renommée, sa vie et ses travaux sont généralement peu connus : on sait à peine son nom patronymique de Lazzari, que le seul Cesariani nous a transmis.

Nous avons vu dans la vie d’un des plus notables contemporains du Bramante, dans la vie du Corrége, combien les notions historiques sur ces hommes sont insuffisantes et bornées. L’existence solitaire et misérable du Corrége explique assez naturellement l’obscurité de son histoire. Quant au Bramante, le manque de notions doit avoir une autre cause. En effet, jamais artiste ne fut plus heureux ni plus haut placé. Agent actif et suprême des volontés d'un souverain puissant, son habileté et son influence balancèrent à Rome, et dominèrent même tant qu’il vécut, l’autorité florentine de Michel-Ange et des siens. Étayé sur Raphaël, son compatriote, qu’il avait arraché à Florence, pour en faire avec lui le fondateur de l’école romaine, ses quatorze années furent une sorte de règne. Il développa tant de génie, et s’occupa si bien dans ce haut degré de faveur, qu’on en eut assez à le voir faire et à enregistrer ses travaux, sans retourner sur sa jeunesse passée au loin et au milieu de réalisations inférieures. On eût été, sans doute, forcé d’en tenir compte davantage,