Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/550

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les psaumes de la pénitence au milieu des orgies ; jetant, enfin, les vêtements sacrés du prêtre aux mascarades des rues : désordre et confusion plutôt apparents que réels, et dont son siècle avait la clé. Il n’était qu’à moitié fou, et à moitié naïf comme son temps, cet homme du peuple, qui travaillait en-dessous la jeune noblesse en s’emparant de ses plaisirs, et qui poussait son art à une haute virtualité en donnant à ses fêtes la pompe et la signification des représentations scéniques. — Mais rien ne demeure pour la postérité de toute cette réalisation transitoire. Les vieillards qui racontaient, sans tarir, au temps du Vasari, les grands triomphes et les imaginations merveilleuses de Piero, ont passé avec les derniers échos des fêtes florentines et des acclamations qui accueillirent les Médicis revenant de l’exil. L’épigramme, la satire, la caricature, toute cette verve populaire s’est éteinte avec les dernières étincelles du bûcher de Savonarole. — Le public perd si vite la mémoire des hommes qui le servent au jour le jour ! et Piero était essentiellement de ceux-là. Il faut davantage dédaigner le présent, mieux envisager l’avenir, et s’y placer de soi-même en quelque sorte, si l’on veut que l’avenir vous adopte. Il n’y a plus maintenant de Guelfes ou de Gibelins pour s’émouvoir aux colères du Dante, il y a encore tout un peuple pour s’abreuver à son immortelle poésie. Il n’y a plus personne pour comprendre ce qui a pu survivre des allusions de Piero ; il y a tout un peuple pour admirer les peintures du Corrége.

Mais toujours est-il que Piero di Cosimo fut une