voit que la masse, oublie. Mais Piero a fait un grand bruit de son temps. La singularité de ses conceptions et le cynisme de ses mœurs avaient causé une profonde sensation sur les esprits ; il était si bien placé pour produire tout son effet, cet homme bizarre ! À la fin des temps de dévotion sincère, et au commencement de cette époque railleuse de doute et d’irréligion qui s’ouvrait, période où il est si difficile aux hommes d’action de se bien tenir et se garder, où la folie se conserve mieux que la sagesse, et où l’extravagance influe autant que la raison. Piero était fou, mais de cette folie intelligente dont les analogues ne se retrouvent nulle part que dans ces circonstances précises de l’histoire. Délire problématique qui cache peut-être le plus adroit compromis qu’un homme puisse faire entre la turbulence du tempérament et le calme de la tête ; car ces génies bouffons sont aussi rares que les génies les plus graves. Avant de produire leurs œuvres, ils les ont mûries dans l’observation et le travail ; et au milieu de leurs écarts, on voit percer partout le calcul des meilleurs esprits et la tenue des plus fermes caractères. Ajoutez que, choisissant le rôle en apparence le plus hardi, ils savent se créer une vie facile, et s’assurer une fin tranquille. Piero, dans son genre et dans son lieu, en est un aussi bon exemple que Rabelais. Cependant, pauvre peintre, il avait remué avec une incroyable témérité, selon le témoignage de ses contemporains, la question politique et la question religieuse ; mêlant les choses saintes aux choses profanes, les chants solennels de l’église aux cris du carnaval, introduisant
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