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temporaines assez pour réveiller des cordes encore sensibles chez nous. C’est là le secret intime de ces grandes œuvres que chaque génération recommande à l’admiration de celle qui la suit, et qu’aucune n’oublie.

Le Corrége et le Giorgione, pour ne parler que d’eux ici, se sont bien montrés hommes de leur temps. Leurs œuvres sont-elles d’un moindre intérêt pour nous à cause de cela ? Non, assurément. — Mais les peintures de Piero di Cosimo ne sont plus que de muets emblèmes, d’indifférents hiéroglyphes. C’est que le Corrége et le Giorgione, pour s’être mieux tenus à part, pour s’être moins immiscés dans les petites particularités de leur siècle, pour s’être moins compromis aux prédilections et aux antipathies passagères de leur époque, en ont reçu une inspiration plus réelle et plus large, et en ont mieux reproduit l’expression générale. En effet, ils se lient admirablement tous les deux, par la simplicité et la magnificence de leurs peintures, à cette belle transition de l’art humain, qu’on appelle une renaissance, et qui n’est qu’un accroissement. Le Corrége surtout, ce mélancolique introducteur de la volupté païenne et de la grâce antique, représente à un degré très élevé cette tendance du moyen-âge à s’agrandir et à se compléter par un retour confiant vers les traditions qu’il avait si longtemps repoussées. — Tandis que Piero, s’amusant à ses caprices personnels, se vouant à la mode, s’aheurtant aux allusions piquantes fournies par les rancunes et les discordes civiles, est resté engagé dans tous ces détails que la postérité, qui ne