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Il ne pouvait supporter l’ennui mortel, suivant lui, d’entendre crier les enfants, tousser les hommes, sonner les cloches, chanter les moines ; mais si la pluie tombait à torrents, il éprouvait un vif plaisir à la voir frapper à-plomb les toits, et rejaillir sur le pavé. Cependant l’orage lui faisait peur, il fermait ses fenêtres et sa porte, et s’il tonnait fort, il se cachait dans son manteau, et allait se blottir dans un coin de son atelier. Il avait une telle mobilité et une telle incohérence dans sa conversation, il lui venait à l’esprit de si belles choses à dire, qu’il y avait de quoi mourir de rire en l’écoutant.

Dans sa vieillesse, quand il eut atteint environ l’âge de quatre-vingts ans, ses manies, poussées au-delà de toutes les bornes, inspiraient un sentiment de pitié. Ne souffrant aucun domestique autour de lui, toute aide manquait à ce malheureux et farouche vieillard. Devenu paralytique, le pauvre Piero voulait encore peindre. Il faisait d’inutiles efforts pour affermir sa main ; comme il ne pouvait y réussir, il entrait en fureur, et laissait tomber son appuie-main et sa brosse ; son désespoir faisait peine ; ne sachant alors à quoi s’en prendre, il se fâchait contre les mouches, et se mettait en colère contre son ombre.

Néanmoins, dans sa languissante vieillesse, il fut encore visité par quelques amis qui l’engageaient à se réconcilier avec Dieu ; toujours il les remettait au lendemain. Ce n’est pas qu’il manquât de foi, car, malgré son étrange manière de vivre, il n’avait cessé de se montrer fort religieux ; mais il ne pouvait se persuader qu’il fût si près de sa fin. Dans ces cir-