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telligence, mais non la maturité et la solidité de son talent. Stimulé par une ardente imagination, par un vif amour de l’art, Fra Filippo ne se borna pas à s’approprier le style de Masaccio : aux qualités qu’il lui emprunta, il en ajouta de nouvelles qui justifient pleinement la faveur constante dont l’entourèrent les Médicis, et la vogue extraordinaire dont il jouit durant toute sa vie. Fra Filippo surpassa son modèle à plusieurs égards, comme par la fraîcheur et la vigueur de son coloris, par l’abondance et la richesse de sa composition, par la force de ses conceptions, et par l’énergie et la vérité qu’il sut mettre dans l’action, les mouvements et les affections de ses personnages. Aux fonds d’architecture et aux jeux de perspective savants, mais entachés de raideur et de sécheresse, que Masaccio introduisait dans tous ses tableaux, il substitua des sites champêtres, riants et variés, qui font de lui, sans contredit, le premier paysagiste de l’école florentine. Les plus vastes et les moindres pages de Fra Filippo Lippi semblent de chaleureuses et éloquentes improvisations. Ses figures, ses arbres, ses horizons, ses terrains, sont attaqués avec une franchise et une fermeté, avec un tact, un goût et une adresse, qui dénotent tout à la fois une âme de poète et de philosophe, une main d’une extrême habileté à manier l’outil, et un œil exercé à saisir et à vivifier l’ensemble le plus grandiose, aussi bien que les détails les plus minimes. Nous croyons que l’on peut définir la différence qui existe entre Masaccio et Fra Filippo, en disant que le premier imita,