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étaient peints les os des bras, du torse et des jambes. Des masques à têtes de mort suivaient à distance ce char fantastique, et renvoyaient à demi, à tous ces pâles squelettes, à toutes ces draperies funéraires, la lueur lointaine de leurs torches. La terreur était à son comble, quand, au son de la musique sourde et lugubre des trompes, les squelettes soulevaient lentement le couvercle de leurs tombes, et, s’asseyant sur le bord, entonnaient d’une voix triste et languissante cette noble complainte :

Dolor, pianto, e penitenza, etc.

À la suite s’avançait encore toute une légion de cavaliers de la mort, sur les chevaux les plus maigres et les plus décharnés qu’on pût voir, au milieu d’un peuple de valets et d’écuyers agitant leurs torches allumées, et leurs enseignes noires déployées. Pendant toute la marche, cette procession chantait, en mesure, et d’une voix tremblante, le Miserere des psaumes.

Quoique ce sinistre spectacle ne convînt guère au temps du carnaval, la perfection de son arrangement et l’intelligence qui y avait présidé remplirent la ville d’étonnement et d’admiration. Piero, le grand metteur en œuvre de cette pompe, fut accablé d’éloges et de remercîments ; et depuis, chaque année fournit son allégorie nouvelle. Au reste, Florence peut se vanter de n’avoir jamais eu de rivales pour ces fêtes ; les vieillards qui ont vu le triomphe de la Mort en gardent un profond souvenir, et en parlent sans cesse. Andrea del Sarto, élève de Piero,