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dernier est absorbé dans sa lecture et porte une paire de lunettes sur le nez. Il règne une grande énergie dans cette peinture à l’huile, et quelques-uns des accessoires, comme un vieux livre relié en parchemin, et deux boules qui se renvoient la lumière et les reflets, sont de vrais trompe-l’œil. On peut prendre, en voyant cette œuvre, l’idée de la bizarrerie de son imagination et de son amour pour les choses difficiles et singulières.

C’est surtout après la mort de son maître qu’il déploya tout son caractère, et qu’il s’abandonna complètement à l’étrangeté de ses goûts. Toujours enfermé, et ne permettant à personne de le voir travailler, il vécut dès lors en véritable sauvage. Il ne voulait pas qu’on balayât ses chambres ni qu’on cultivât son jardin. Sa vigne rampait à terre, ses figuiers et ses autres arbres n’étaient jamais élagués. Il lui fallait les choses en cet état pour qu’il les trouvât bien ; les soins de l’homme n’étant bons, suivant lui, qu’à ôter aux productions de la nature leur vigueur et leurs beautés. Rien ne pouvait égaler sa joie quand il rencontrait quelque monstruosité dans une plante ou dans un animal. Il en parlait alors avec une telle abondance à ses amis, que la cause de son contentement devenait bientôt celle de leur ennui. Il n’y avait pas d’objet si repoussant qui ne lui fournît sujet à contemplation. Sur les murailles couvertes de crachats et d’ordure, il lisait les plus belles choses du monde, des chevaux, des batailles, des villes fantastiques, des paysages immenses. Il n’était pas plus embarrassé pour commenter les nuages de la même manière.