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grande célébrité en France. Sa sortie du cloître, son esclavage en Barbarie, où il fut vendu par des corsaires, la manière étrange dont il recouvra la liberté, ses amours avec Lucrezia Buti, la belle novice du couvent de Santa-Margherita, et enfin sa mort prématurée, occasionnée par le poison, sont connus de tout le monde.

Les historiens et les bibliographes qui se sont occupés de lui ont trouvé plus commode de raconter et de broder la partie dramatique et anecdotique de sa vie, que d’étudier sérieusement ses œuvres et de chercher à en apprécier la valeur. C’est ainsi que, par le caprice, la distraction ou la paresse de quelques écrivains, s’est altérée la physionomie de Fra Filippo Lippi ; c’est ainsi que son nom, au lieu d’évoquer la mémoire d’un des plus grands maîtres de Florence, rappelle seulement le souvenir d’un homme dont les aventures pourraient fournir matière à un roman.

Essayons donc de présenter Fra Filippo Lippi sous son véritable aspect, sous son aspect de peintre, le seul sous lequel il soit convenable et profitable de l’envisager.

L’esprit de Masaccio est entré dans le corps de Fra Filippo, disaient les contemporains de ce dernier, témoins de l’assiduité, de l’enthousiasme et du bonheur avec lesquels, dès son enfance, il avait étudié les fresques de l’ancienne chapelle del Carmine. Cet éloge décerné au jeune carmélite, alors qu’il achevait à peine sa seizième année, explique suffisamment la précocité et la verdeur de son in-