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finesse ou la quantité des couleurs qu’il employait à ses chefs-d’œuvre, pour preuve que le Corrége avait été tenu dans l’abondance de toutes choses, c’est par trop pitoyable. Cependant les hommes les plus graves, Français, Italiens et autres, l’ont répété étourdiment et sans dégoût. Il faut que l’intimité de notre art soit bien peu connue pour que les gens qui écrivent se payent d’une telle monnaie. Le Vasari, sans la prévoir, renverse cette objection : ne dit-il pas que si pauvre que fût Corrége, il sacrifiait tout à son art, et que sa misère s’augmentait ? Ne vient-il pas de mourir presque aujourd’hui un peintre de ceux dont le nom seul honorerait une école, le malheureux Sigalon, qui, dans sa vie laborieuse et productive, a presque toujours manqué de pain, et dont les châssis et les toiles pourraient un jour déposer de la munificence des singuliers Mécènes qui ne l’ont connu que pour le dédaigner et l’abreuver ?

Mais si nous ne voulons pas nous rendre à un argument de cette force, si nous ne voulons pas donner accès dans notre livre à cette plate analyse, nous ne reculons point devant l’examen consciencieux des faits. Si le Corrége n’a pas été l’artiste malheureux que le Vasari nous présente, qu’aurions-nous besoin de le retenir à toute force dans cette série, assez longue sans lui, des hommes qui ont expié le génie par la douleur, et la gloire par la pauvreté ?

On doit laisser les hommes sous l’aspect qui leur appartient.

Comparez les encouragements flatteurs que rece-