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les peintres, était justement le spécial apanage de la Lombardie. Modène surtout avait compté de très habiles ouvriers en ce genre de travail. Le Vasari vante beaucoup ce Paganini, qui vint en France attiré par Charles VIII, et qui, dès 1484, s’était déjà fait connaître par des chefs-d’œuvre de modelage. Le chroniqueur Lancillotto[1] donne de grandes louanges à Giovanni Abatti, dont les saintes images en plâtre étaient répandues et célèbres dans toute l’Italie. Le grand Michel-Ange, suivant le Vasari, admirait le talent du Begarelli, et disait, en voyant les terres du modeleur modénois : « Si elles pouvaient devenir marbre, malheur aux statues antiques ! » Cette pratique de la plastique, à laquelle la tradition nous montre le Corrége livré de bonne heure, suffirait pour rendre compte de la solidité et de la souplesse à laquelle sa peinture est arrivée. Enfin il nous semblerait, si nous voulions pousser cette analyse plus loin, qu’il faudrait ne pas chercher les racines de ce grand talent autre part que sur l’étroit terrain où l’histoire le fait naître, croître et mourir. D’ailleurs, le Corrége n’est-il pas venu au jour précis où le génie de l’homme se transformait partout, où la vie nouvelle, long-temps comprimée, devait éclore enfin ? Le germe et la promesse des accroissements et des progrès étaient dans l’air, et excitaient toutes les intelligences. Avaient-ils donc tant besoin, ces hommes forts, que la Providence tenait en réserve, pour agrandir l’esprit humain par la plus étonnante réno-

  1. Lancillotto, Cronaca modenese, ms.