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Le Corrége, ainsi que les autres chefs éminents de l’art, appartient entièrement, par sa première manière, au style ancien. Son Saint Antoine de la galerie de Dresde en est une preuve. On y trouve tout entières la sèche régularité et la dévote raideur de l’art catholique du moyen-âge, tandis que dans ses derniers ouvrages il est parvenu aux limites extrêmes de l’art réformé. Comment, voué d’abord à une pratique patiente, minutieuse et arbitraire, a-t-il pu arriver à l’exécution la plus hardie, la plus large, la plus vraie ? Question grave qui a beaucoup tourmenté les critiques italiens[1], et qu’on pouvait plus facilement résoudre en quelques mots que par les gros volumes qu’il leur a convenu d’écrire ; parce que les généralités de l’art, bien comprises, peuvent seules rendre compte de ces étonnantes transitions, et que tant de détails rassemblés çà et là ne peuvent qu’embrouiller et obscurcir cette difficulté. Mais les érudits aiment les grands mystères, afin de pouvoir révéler de grands secrets. Ils ont à toute force voulu établir qu’il y avait un arcane tout-à-fait incompréhensible dans la transformation du talent du Corrége. Ils l’ont fait dépendre d’une sorte de recette merveilleuse qu’il avait dû emprunter à quelqu’un. Ils ont fait du Corrége, de cet obscur et sédentaire paysan, une espèce d’Argonaute allant par monts et par vaux chercher ce précieux talisman, qui devait plus tard lui faire délicieusement peindre les chairs, et même les cheveux, comme l’a

  1. Retta. — Benedetto Lusti. — Ratti. — Della Valle. — De Piles. — Mengs. — Winkelmann. — La Biogr. univ., etc.