Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fournir les traces de la main et les jalons de l’ouvrier. Ainsi, par la perfection même de ses œuvres autant que par sa vie oubliée, le Corrége nous échappe entièrement. On dirait qu’il a voulu lui-même aider, par la plus inexplicable exécution, à l’obscurité de son histoire, comme s’il eût prévu que son génie nous paraîtrait plus étonnant par le mystère. La grande figure du Corrége conservera donc ici sa vague et prestigieuse auréole ; il serait par trop hardi d’essayer à lui enlever ce double voile du silence de son histoire et de la discrétion de son talent.

De plus, il faut ajouter, pour mieux faire comprendre toutes les difficultés d’une biographie du Corrége, que l’histoire de la peinture lombarde proprement dite a été jusqu’ici peu connue, ainsi qu’en témoigne dans ces derniers temps le savant Lanzi lui-même. Rome, Florence, Venise et Bologne plus tard, ont moins laissé s’oblitérer les traditions de leurs écoles, et mieux recueilli les faits et la succession de leurs grands maîtres. Au temps du Corrége., dans l’époque la plus brillante de l’art italien, le territoire lombard, divisé en une foule de petites souverainetés, offrait peu d’intérêt à la curiosité étrangère, et appelait peu sur lui les regards du voyageur, de l’étudiant, et de l’historien. Mantoue, Padoue, Reggio, Crémone, Parme, Modène, chaque ville enfin, avait son école distincte. Les travaux et les renommées ne pouvaient s’étendre dans un cercle aussi étroit ; et le Vasari, appelé ailleurs par de plus importantes réalisations et de plus grandes popularités, a dû passer rapidement en revue cet art mor-